-« Bonjour Arthie, un monsieur voudrait te rencontrer… » me lance ma jeune et belle assistance
« – Ok fais-le monter »
J’occupe un petit local sympa dans la ville. Un Open Space original, qui s’ouvre sur un super rez-de-chaussée relié à une mezzanine par un escalier en forme de C renversé. Un reportage sur Google m’avait alors inspiré des couleurs chaudes, vives et joyeuses. Je n’ai donc pas boudé mon plaisir lorsque Christian le peintre avait fini de faire sa magie. En plus les visiteurs semblaient adorer. D’autres un peu trop. Oui ! Dès 9h j’ouvrais les portes juste après le passage de Mama Nono, notre magicienne de la propreté. Elle y allait avec beaucoup d’entrain et d’énergie, et cassait parfois tout sur son passage. Au moins c’était propre et mes remontrances n’y changeaient pas grand chose. Elle avait cette espèce de folie douce qu’il fallait apprendre à côtoyer et apprivoiser. Elle écoutait aussi beaucoup entre les mûrs…un vrai réservoir à secrets. Il fallait toujours la payer à temps pour éviter de l’entendre grommeler, chanter les louanges du seigneur à tue-tête ou maudire ces clients insolvables qui infestaient notre activité. J’avais toujours du plaisir à la voir descendre de la moto de son mari qui la déposait tous les matins devant mon studio, avant de continuer au port autonome où il exerçait en tant que docker.
-« Nelly fais monter le Monsieur s’il te plait »
-« Ok Arthie »
« …Monsieur vous pouvez y aller, prenez l’escalier «
J’avais instauré une discipline à ma petite équipe : pas de Monsieur tel ou Madame tel entre mes collaborateurs et moi. Et c’était cool ainsi !
Quelques instant après, il était là, devant moi, le sourire large comme tout, regard sincère et joyeux, fort sympathique, costaud et bien musclé. Notre premier client de la semaine. Je me lève de mon fauteuil et lui tend la main dans un : » Bonjour Monsieur » très franc.
Et lui me fait : » Enfin je rencontre le GÉNIE « .
Embarrassé je lui montre un fauteuil.
» Je TE rencontre enfin, on m’a dit beaucoup de bien de toi. Mais il paraît que tu es aussi très cher » me lance-t-il à gorge déployée, avec force et à très haute et intelligible voix, alors que je suis à 1m de lui.
Je sens monter l’adrénaline en moi mais je dois rester calme, on est Lundi quand même !
Sur sa demande et en quelques minutes, je lui baragouine un résumé de notre activité et lui lance à la fin :
« Que pouvons-nous DONC faire pour vous cher monsieur? »
– » En fait j’ai appris que TU es trop fort. Mon projet est révolutionnaire et j’ai besoin des gars comme toi pour le réaliser. J’ai l’intention de créer le premier réseau social africain qui va challenger Facebook. »
-« Like really ? » (Je guette furtivement par la fenêtre pour voir sil y’a pas un hélico dans le parking de mon voisin MTN juste en face : Rien !)
Et monsieur continue, encore plus convaincu par son affaire :
« Je sais que tu es aussi Webdesigner mais tes prix là, pardon il faut revoir ça. J’ai quand même mis de côté un peu d’argent pour qu’on lance ça. Les blancs là exagèrent, il faut qu’on leur montre qu’on est pas des cons. Et moi je veux payer tout. Une fois. CASH !!! Pour éviter les problèmes et te permettre de travailler sereinement. Je peux te trouver 300mille pour ça. Tout est déjà écrit. J’ai la documentation. Tu me dis juste quand est-ce qu’on peut commencer. Dis donc c’est beau chez toi hein. Tu n’offres pas le café à tes clients ? » Me lance-t-il en fouillant son sac bandoulière…
A SUIVRE
Par Armand-Thierry Nguélé.